Ces enfants âgés de moins de 18 ans doivent s’adapter pour faire face au nouveau Coronavirus et se doter de motivation nécessaire pour saisir des opportunités d’apprentissage disponibles dans ce milieu carcéral pour préparer l’après prison.

Dans la riposte contre la Covid-19, des détenus de la prison centrale de Douala ont entrepris de fabriquer des cache-nez qu’ils revendent à leur co-pensionnaires. Les mineurs de ce pénitencier qui peuvent se procurer le masque déboursent alors entre 100 et 200 F. Cfa (entre 0,17 et 0,34 Us dollar). Mais jusqu’au 27 mai 2020, ils étaient encore une bonne poignée obligée de se débrouiller avec les moyens de bord. Des humanitaires qui ont visité la prison à cette période-là confient que plusieurs jeunes se servaient encore de leur t-shirt pour se couvrir le visage. Ils déplorent en outre le non-respect des normes dans la fabrication de ces masques de fortune par les détenus.

« Ces masques ne peuvent pas protéger contre la Covid-19. Ça ressemble plutôt à des cache-poussière », se plaint Paule Eliane Meubeukui.

Elle est la coordinatrice de l’Action pour l’épanouissement des femmes démunies et des jeunes détenus (Afjd).

Pour y remédier, un petit atelier de fabrication de masque a été organisé dans le quartier des mineurs mercredi 27 mai 2020. La prison a mis une machine à coudre à la disposition des formateurs. Le cours dans ce milieu sensible a commencé par une petite causerie éducative sur des sujets tels l’éducation et la vie après prison. De petites récompenses ont été remises aux meilleurs intervenants.

« C’est pour les stimuler et capter leur attention. On joue sur leur humeurs », indique un formateur.

Il fait savoir que malgré tout, sur la trentaine (effectif de 30 d’après les statistiques de 2015, ndlr) de jeunes incarcérés dans ce quartier, ils n’étaient que cinq à prendre effectivement part à l’atelier. « Ils disent que s’ils peuvent supporter la prison, ce n’est pas le Coronavirus qui va les tuer (rires). Mais ils jetaient quand même un coup d’œil de temps à autre », rapporte le formateur.

Se protéger du Coronavirus

La formation a surtout consisté à indiquer à ces tout-petits comment couper un patron sur un t-shirt-propre pour confectionner un masque à la main, réutilisable pendant deux mois et se protéger de la Covid-19.

« Pour les aider dans la lutte contre le Coronavirus, nous avons distribué des masques et les avons remis du savon et du javel. Il y a de l’eau courante dans leur quartier », indique Paule Eliane.

La prison a en également reçu un don en kit de protection contre la pandémie vendredi 29 mai 2020. Le don du Programme des Nations unies pour le développement (Pnud) à travers le Comité national des Droits de l’Homme pour les libertés remis à la délégation régionale s’étend aux pensionnaires des six prisons du Littoral (New-Bell, Nkongsamba, Edéa, Mbanga, Yabassi, Ngambè). Les gardiens de prison qui visitent régulièrement le quartier des mineurs de ce pénitencier arborent eux-aussi des masques. « Tous les gardiens doivent porter des masques. C’est un ordre qui vient d’en haut », a fait savoir un employé de ce pénitencier rencontré le 28 mai 2020, peu avant l’incendie qui s’est déclaré dans la prison. Lorsque nous le rencontrons autour de 13h30 ce jour-là, il vient de remettre deux masques à deux jeunes détenus qui vont faire leur entrée dans la prison.

« Habituez-vous à parler dans le masque, surtout lorsque vous êtes en contact avec une personne de l’extérieur »,

recommanda -t-il à un des deux nouveaux qui s’apprêtait à baisser son cache-nez pour répondre à l’une de ses questions.

La peur de l’âge adulte

Même si le nombre de pensionnaires reste limité dans le quartier des mineurs, la distanciation sociale reste encore une vue de l’esprit. « Ils s’évitent comme ils peuvent ». Âgés entre 12 ans et 17 ans et demi, ces enfants se retrouvent pour la plupart en détention pour des faits de bagarre avec mort d’homme, vol ou des braquages où ils sont pris comme des éclaireurs. Il y a aussi dans la liste des cas de viol. Il peut cependant arriver que des dossiers de ces jeunes traînent pour des raisons banales. « Des dossiers traînent souvent parce que le parent veut punir son enfant et ne suit pas le dossier. Il reste ainsi un prévenu », déplore la coordinatrice de Afjd. Elle se réjouit néanmoins de l’action du service des affaires sociales présent à la prison de New-Bell qui interpelle les parents.

Mais la tâche n’est pas toujours aisée pour ce service. Entre les mensonges des mineurs de la prison de Douala qui disent ne plus avoir de parents ou leur refus de s’exprimer sur le sujet, il faut faire preuve de tact. Les agents des services sociaux se retrouvent souvent obligés d’approcher discrètement les visiteurs pour collecter des informations nécessaires, apprend-on. Une des grandes craintes des jeunes détenus dans le cas des dossiers qui traînent, c’est d’atteindre l’âge limite de 18 ans (majorité pénale) et se retrouver ainsi basculés chez les adultes avec toutes les misères qui vont avec (surpopulation et risques divers). Loin de la protection et du confort (meilleur) du quartier des mineurs où le cadre est plus propre, le repas plus comestible et des lits pour se coucher par deux, le pire est à redouter.

L’école à la prison

Pour ceux des jeunes qui ont des rêves plein la tête et la motivation nécessaire, la scolarisation se poursuit derrière les barreaux. Ils peuvent ainsi se former et construire leur idée d’entreprise en purgeant leur peine. L’association Charité sociale humanitaire (Chasoh), une association pour le soutien scolaire, cordonne un programme y dédié. Des enseignants qui se retrouvent en prison après un délit sont mis à contribution pour apporter du soutien à ceux des mineurs de la prison qui sont déterminés à poursuivre leur éducation.

Le programme prévoit aussi l’alphabétisation de ces autres mineurs qui n’ont pas entamé de cycle scolaire avant leur incarcération. « Ils apprennent à lire, compter. Il y a aussi un atelier d’initiation à la peinture », apprend-on. Tandis que des associations comme Chasoh de Madame Tagne Tapia mettent à disposition le matériel pour les études, Afjd et d’autres bienfaiteurs font régulièrement des dons en livres. Afjd a remis 3000 livres pour la bibliothèque, pour la seule année 2012.

L’Unicef pour la protection de l’enfant

« Ils ne sont pas très nombreux. N’atteignent pas 50. Et leur scolarisation se fait sur place », apprécie Angèle, de l’équipe de coordination de la Communauté chrétienne Sant’egidio à Douala. Les élèves de cette école spéciale sont évalués et peuvent d’ailleurs présenter des examens officiels à condition d’être corvéables. Plusieurs autres ateliers sont organisés pour faciliter leur apprentissage.

Une grande bataille dans le cadre de l’amélioration des conditions des mineurs de la prison reste aussi et avant tout le cadre juridique et la protection des Droits des enfants en milieu carcéral, notamment.

L’Unicef estime que plus d’un million d’enfants dans le monde sont privés de liberté par des fonctionnaires responsables de l’application des lois. L’Unicef promeut l’adoption de solutions alternatives à la détention, comme les programmes de déjudiciarisation, ou la justice réparatrice qui privilégient la réparation du préjudice causé ou révélé par un comportement criminel.

Au Cameroun, des Ong et associations luttent aussi pour que les centres d’accueil et de réinsertion, tel celui de Bépanda à Douala, soient véritablement mis à la disposition des enfants en conflit avec la loi. « Depuis quelques années, il y a déjà des faits pour lesquels les enfants ne sont plus systématiquement déférés en prison », se réjouit Paule Eliane Meubeukui, qui siège par ailleurs dans l’observatoire pour les libertés publiques mis en place par la Commission nationale des droits de l’Homme et des libertés (Cndhl).

Mathias Mouendé Ngamo  

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