La bataille pour l’accès à l’eau, aux ressources halieutiques et agricoles amplifiées par le réchauffement climatique sont au cœur des affrontements intercommunautaires entre arabe Choa et Mousgoum dans l’Extrême-Nord du Cameroun.

Dans la région de l’Extrême-Nord du Cameroun, on garde toujours en mémoire ces affrontements intercommunautaires qui opposent les éleveurs arabe Choa d’un côté aux pécheurs et agriculteurs Mousgoum de l’autre. D’après le bilan, le dernier épisode le plus sanglant de ces violences survenu en août et décembre 2021 a fait au moins 67 morts et une centaine de blessés. Une vingtaine de villages ont également été incendiés et d’autres abandonnés.

Au cœur de ce conflit, il y a la bataille pour l’accès à l’eau, aux ressources halieutiques et agricoles. Le tout, amplifié par le phénomène de réchauffement climatique dans une région déjà secouée par les attaques de Boko Haram depuis 2012. Pour comprendre l’impact du climat dans le conflit, il faut interroger l’inquiétante disparition du lac Tchad.

“Catastrophe écologique”

Au cours des 60 dernières années, la taille de ce lac, dont la rivière Logone est l’un des principaux affluents, a diminué de 90% en raison de l’utilisation excessive de son eau, de sécheresses prolongées et des effets des changements climatiques. Le Programme des Nations Unies pour l’environnement (Unep) qui l’indique, relève que la superficie du lac est ainsi passée de 26 000 kilomètres carrés en 1963 à moins de 1 500 kilomètres carrés en 2023. Cette situation qualifiée par les experts de « catastrophe écologique »  a entraîné la disparition des moyens de subsistance des populations et la perte d’une biodiversité inestimable.

Face à cette situation, pêcheurs et agriculteurs Mousgoum se sont résolus à creuser de vastes tranchées pour retenir les eaux restantes du fleuve Logone afin de pouvoir faire la pêche et cultiver des vivres pour la subsistance. Mais selon les témoignages des riverains dans le Septentrion, ces tranchées boueuses constituent des pièges pour le bétail des éleveurs arabes Choa qui s’y retrouve pris au piège à plusieurs reprises. Certains animaux se cassent les pattes en essayant d’en sortir. Des conflits naissent ainsi à l’occasion.

Mécanismes d’adaptation

Ces conflits interethniques sont également sources de déplacements des populations et d’insécurité alimentaire. D’après un article du UNHCR, les violences de 2021 entre arabe Choa et Mousgoum ont emmené 11 000 Camerounais, dont 98% de femmes et d’enfants, à prendre un aller simple pour le Tchad en l’espace de trois semaines.

« On compte désormais 4,5 millions de personnes souffrant d’insécurité alimentaire grave dans le bassin : il est nécessaire d’aborder sérieusement la relation de cause à effet entre l’environnement et la sécurité humaine », a affirmé Erik Solheim, le directeur exécutif d’ONU Environnement, lors d’une sortie sur la question.

Entre autres réponses à cette crise au Cameroun, le gouvernement multiplie des rencontres entre les différentes parties pour ramener la paix. Les autorités locales se rendent également au chevet des déplacés et les rassure de la prise en charge de leur sécurité. « A mon avis, s’il existe des  antécédents sous adjacents, il n’en demeure pas qu’aujourd’hui les différentes communautés impliquées dans le conflit sont exacerbées par l’accès difficile aux ressources naturelles (eau, terres). Les  rivalités entre agriculteurs, pêcheurs  et bergers ne pourront pas s’estomper s’il n’y a pas de solutions alternatives et innovantes liées aux mécanismes d’adaptation aux changements climatiques. Les pratiques agropastorales traditionnelles ne peuvent plus tenir face au stress climatique et la démographie galopante. Ces pratiques classiques doivent se moderniser », indique Didier Yimkoua, militant écologiste et prescripteur du Mouvement Écologie en Marche.

Lac Tchad

En rappel, le lac Tchad se trouve à la frontière du Cameroun, du Tchad, du Niger et du Nigeria. Son bassin s’étend jusqu’à l’Algérie, la Libye et le Soudan et offre des ressources à près de 40 millions de personnes. L’Onu note que la région du Sahel est durement touchée par le changement climatique avec  des températures qui augmentent 1,5 fois plus vite que la moyenne mondiale. L’Organisation des Nations Unies estime que 80% des terres agricoles y sont dégradées.

Mathias Mouendé Ngamo

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