Le président de la Fédération africaine des journalistes (Faj) parle des enjeux du pré Sommet Africain sur le Climat à Addis Abeba et le rôle essentiel des journalistes.
Dans quel cadre s’inscrit ce pré sommet africain sur le climat ?
Ce rassemblement mobilise des journalistes, des décideurs politiques et la société civile. C’est la coopération et la complémentarité concrètes qui devraient guider notre continent face aux risques et aux responsabilités partagés. Notre réunion s’inscrit dans le cadre d’un effort continental plus large qui reconnaît le lien entre les impacts climatiques et les défis sécuritaires. L’Union africaine (Ua) et le Conseil de paix et de sécurité ont affirmé le lien entre climat, paix et sécurité, et l’Ua élabore actuellement une position africaine commune pour guider l’action. En tant que pré-forum du deuxième Sommet africain sur le climat à Addis-Abeba, nous sommes là pour garantir que le journalisme participe à cet effort dès le départ, afin que les politiques et la compréhension du public évoluent de concert.
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Comment les journalistes peuvent -ils contribuer à la justice climatique, la paix et la sécurité ?
Le journalisme est essentiel à la sécurité climatique. Lorsque les journalistes ont accès aux données et peuvent travailler en toute sécurité, ils traduisent des données scientifiques complexes en informations publiques claires, transforment les alertes précoces en actions rapides et examinent attentivement les décisions qui affectent la vie des populations. Un journalisme responsable apaise les tensions, contrecarre la désinformation, donne la parole aux personnes les plus exposées aux chocs climatiques et aide les autorités à anticiper les risques avant qu’ils ne se transforment en crises. Un journalisme de qualité renforce le programme de paix et de sécurité. Aussi, un journalisme fort permet aux communautés d’être mieux préparées, aux décideurs d’être plus responsables et à la consolidation de la paix d’avoir de meilleures chances.
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La situation impose -t-elle l’urgence d’un engagement ferme des journalistes sur ces questions spécifiques ?
Le besoin est clair. La hausse des températures, l’irrégularité des précipitations, la désertification et les inondations entraînent l’insécurité alimentaire, la perte des moyens de subsistance et les déplacements. Ces pressions interagissent avec les conflits existants et la faiblesse des institutions. Ce qui met à rude épreuve la gouvernance et accroît les risques. Dans les contextes fragiles, les chocs climatiques peuvent alimenter la concurrence pour les terres et l’eau, déclencher des mouvements de population à l’intérieur et à l’extérieur des frontières et perturber des économies locales déjà sous pression. Si l’alerte précoce, la médiation et le relèvement ne tiennent pas compte de ces réalités, nous raterons des occasions de prévenir la violence.
Des informations fiables aident les autorités à agir avant que les chocs ne se transforment en crises et aident le public à faire des choix difficiles sans crainte. Trop peu de financements climatiques parviennent aux endroits où les risques climatiques et la fragilité se heurtent. Les journalistes ont le devoir de retracer toute la chaîne, des promesses de dons aux projets et aux résultats, et d’expliquer les pertes que les statistiques ignorent souvent, mais que les familles subissent au quotidien. Le financement climatique n’est pas une œuvre de charité, c’est la justice, et le public mérite des réponses claires.
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Quel impact peuvent avoir les travaux de ce pré sommet ?

Notre forum est conçu de manière pragmatique. Il mettra en relation les rédactions avec les décideurs politiques et la société civile, fournira aux journalistes les connaissances, les réseaux et les outils dont ils ont besoin, et fera progresser les reportages en faveur d’une transition juste, de la consolidation de la paix et de la justice climatique. Nous examinerons les méthodes d’enquête permettant de suivre le financement climatique, renforcerons les approches qui protègent l’intégrité de l’information et mettrons en lumière des histoires fondées qui maintiennent les personnes au centre des décisions. Chers collègues journalistes, vos reportages peuvent apaiser les craintes, faire la part des choses et ouvrir la voie à des décisions justes. C’est ainsi que nous passerons de l’anxiété climatique à la justice climatique et du risque à la résilience.
Ce que nous construisons ici alimentera directement le deuxième Sommet africain sur le climat. Les normes que nous établissons, les partenariats que nous nouons et les récits que nous nous engageons à raconter renforceront la voix de l’Afrique à Addis-Abeba et façonneront le travail qui suivra. Ceci m’amène à l’approche spécifique de la FAJ en matière de transition juste. Nous associons directement la transition juste au travail journalistique. En nous appuyant sur notre Déclaration et notre Plan d’action d’Abidjan, nous mobilisons les journalistes pour expliquer ce qu’implique une transition équitable vers des économies sobres en carbone et résilientes au changement climatique pour les travailleurs, les femmes, les jeunes et les communautés rurales, pour comparer les politiques à l’emploi et aux droits, et pour suivre l’argent, des promesses à la réalisation, afin que personne ne soit laissé pour compte.
Une transition juste doit être un effort de l’ensemble de l’économie et de la société, et le journalisme a un rôle clair à jouer pour concrétiser cette vision. Avec le département des affaires politiques, de la paix et de la sécurité de l’Union africaine, nous continuerons de renforcer les normes des rédactions, l’accès aux données et la sécurité afin que les journalistes puissent raconter des histoires fondées sur des faits qui apaisent les tensions et soutiennent des choix centrés sur les personnes. Nous remercions la GIZ et Oxfam, dont le soutien nous aide à former, mettre en réseau et équiper les journalistes pour couvrir la transition juste avec précision, contexte et soin.
Propos recueillis par Mathias Mouendé Ngamo, à Addis Abeba en Ethiopie











