Les agriculteurs crient aux pertes énormes en raison des vagues de chaleur qui sévissent dans cette région du Cameroun. Des répercussions dans le panier de la ménagère sont à craindre.

A Meskine, localité agricole située dans le premier arrondissement de Maroua dans la région de l’Extrême-Nord du Cameroun, les agriculteurs ont perdu le sommeil. La canicule qui sévit depuis trois mois perturbe les récoltes. L’extrême chaleur a atteint des niveaux records avec des température qui avoisinent les 45°C à l’ombre. Le bulletin décadaire n° 188 de l’Observatoire national sur les changements climatiques (Onacc) relève pour la période allant du 21 au 30 mai 2024, des températures allant jusqu’à 45,5° C.

Le bulletin note aussi des vents violents, des feux câblés dans les zones herbacées et forestières sèches, des conflits entre agriculteurs et éleveurs, entre autres. Des conditions climatiques inquiétantes aux conséquences lourdes sur les cultures dans cette région du septentrion.

« A cause du manque d’eau, les oignons ont pourri. J’ai dû récolter avant que les oignons ne soient entièrement murs pour éviter qu’ils ne soient attaqués par les chenilles. Ça gâche tous mes projets », déplore Béatrice Mayang Didja.

Cette agricultrice établie à Meskine confie que sur quarante casiers, elle en a perdu une quinzaine lors des  récoltes. L’équivalent de trois gros sacs d’oignons. Une perte de près de 37% que la jeune agricultrice impute à la canicule. Elle explique qu’avec les vagues de chaleur où le mercure atteint parfois les 48°C, les cours d’eau s’assèchent et il devient impossible de pratiquer l’irrigation. Les chenilles, favorables à cette atmosphère, ont vite fait de s’attaquer aux plantes.

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Oignon, tomate, laitue, pastèque …

L’oignon n’est pas la seule denrée alimentaire décimée par la canicule. Toutes les plantes soumises au système d’irrigation comme la tomate, la laitue, la pastèque, la betterave, etc … sont également concernées. La culture des légumes comme la morelle noire (communément appelée zoom) est aussi affectée. Mais les cultivateurs de tomates sont visiblement les plus impactés par cette extrême chaleur. La situation est telle que certains agriculteurs n’ont pas pu récolter une seule tomate sur des superficies cultivées avoisinant les 2000 m2. Hamadou Seni qui a consacré un espace de 2500 m2 à la culture de la tomate dans son champs indique qu’il a pu s’en tirer avec à peine 40 cartons, soit environ 2 000 Kg (Un carton de tomate est évalué à près de 50 Kg).

« Habituellement, sur cette même superficie, je réalise une récolte de près de 600 cartons. L’excès de chaleur limite la croissance des plantes. Il y a un calendrier d’irrigation. La demande en eau des plantes n’est plus assurée. Nous perdons beaucoup», déplore Hamadou Seni. Il est par ailleurs membre de la coopérative des producteurs d’oignons de Hadaomeri et secrétaire général dans le Cadre de concertation des producteurs d’oignon et d’ail de l’Extrême-Nord.

Hamadou Seni relève qu’il est tout aussi devenu difficile de stocker le fruit des récoltes. Le climat ne s’y prête pas. Il faut écouler rapidement son produit, parfois au prix du client. «Pour conserver les oignons, il faut de l’aération et le sol ne doit pas chauffer. Sinon, ça pourri. Avant, à cette période de l’année, on récoltait encore les oignons. Mais plus personne n’a d’oignon dans son champs actuellement», explique Béatrice Mayang Didja.

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Flambée de prix

Dans la région de l’Extrême Nord, on fait observer que ceux des agriculteurs qui ont procédé à la mise en terre des plantes entre mi-décembre 2023 et janvier 2024 sont bien plus impactés que leurs confrères ayant procédé aux semis entre novembre et le 1er décembre 2023. Hamadou Seni évalue les pertes sur les récoltes d’oignons à l’ordre de 15%. Il craint le pire si la courbe ne s’améliore pas.

« Si la production diminue encore et atteint les 30% de pertes, il y aura une flambée de prix », prévient t-il.

Et d’indiquer que pour maintenir la disponibilité de cette denrée maraîchère, le pays compte sur les productions d’oignon du Tchad et du Nigéria, deux pays voisins. Un échange qui s’effectue généralement dans les deux sens.

Pour s’adapter à la nouvelle donne et y faire face, quelques actions sont entreprises dans le Cadre de concertation des producteurs d’oignon et d’ail de l’Extrême-Nord. La notion de changement climatique et ses corolaires sont de plus en plus évoqués dans les séminaires dédiés pour sensibiliser les agriculteurs de l’Extrême-Nord et du Nord Au Cameroun qui fournissent 85 % d’oignons du pays. Les cultivateurs y sont appelés à intégrer désormais ces notions dans leur agenda.

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Bulletins Météo sur WhatsApp

«Des bulletins météo sont partagés dans nos groupes WhatsApp depuis quelques mois. Les producteurs peuvent désormais être alertés des pluies torrentielles et des grandes vagues de chaleur. Nous faisons également des recherches pour réduire l’impact de ces aléas du climat sur l’agriculture », relève le secrétaire général du Cadre de concertation des producteurs d’oignon et d’ail de l’Extrême-Nord.

Un challenge demeure. Des agriculteurs de l’Extrême-Nord ignorent encore l’importance de se mettre en groupe dans des organisations. Très affectés par la sècheresse, ils crient aux pertes énormes et espèrent le retour des pluies au début du mois de juin pour une meilleure production et sécurité alimentaire. 

Mathias Mouendé Ngamo

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