Le voisin de Hortense Tankeu assimile le récipient rempli de déchets ménagers à du mysticisme. Ce qui a valu à cette écolo un séjour au commissariat.

Hortense Tankeu n’en revient toujours pas. Samedi 08 juin 2024, la commerçante a passé huit heures en garde à vue dans une cellule du commissariat de sécurité publique du 16ème arrondissement. Malgré une lettre de désistement du plaignant, elle a dû débourser quelques sous avant de recouvrer la liberté vers 13h. Hortense a été cueillie par cinq policiers (trois en civils) et embarquée manu militari pour le commissariat autour de 5h du matin au quartier Japoma à Douala au Cameroun, alors qu’elle attendait un moyen de transport pour se rendre au marché New-Deido où elle tient un petit comptoir.

La quinquagénaire dit avoir cru dans un premier temps avoir à faire à des bandits. Elle a été conduite au poste de police à bord d’une moto. Les proches de cette dernière, informés de la situation, se sont rapprochés de l’unité de police pour en savoir davantage sur le motif de cette arrestation. Silence du côté des forces de l’ordre. Les proches, exacerbés, ont dû hausser un peu le ton pour enfin obtenir une explication. Le plaignant, un voisin, accuse Hortense de pratique de sorcellerie.

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Le composteur, un fût mystique ?

Jean Paul Lebogo fait ainsi allusion à un fût entreposé par dame Hortense derrière sa maison, dans lequel, explique -t-elle, elle fait du compostage. Pour Jean Paul, dont le domicile est en cours de construction près de la maison de Hortense à Japoma, il s’agit d’un fût mystique. Il soutient devant les enquêteurs que lorsqu’il est passé près de ce fût pour se rendre dans mon chantier, il a « ressenti une sensation bizarre ». Quatre marabouts qu’il dit avoir par la suite consultés, lui ont révélé que cette dame fait des pratiques de sorcellerie et qu’elle est aidée en cela par une de ses filles basée à l’étranger.

A l’énoncé de ce motif, Hortense qui met ainsi en pratique une formation en gestion durable des déchets, est toute remontée. De plus, Jean Paul exige un dédommagement de l’ordre de 200 000 F. Cfa, parce que, dit-il, ce fût mystique l’a empêché de travailler sur son chantier pendant deux semaines. Les riverains soutiennent cependant à Japoma, que ledit chantier est à l’arrêt depuis près d’un an.

Tout a commencé il y a près de trois semaines, le 20 mai 2024. Jean Paul Lebogo, en visite sur son chantier autour de 18h, découvre le fût de compostage entreposé. Il joint Hortense par téléphone pour une explication. l’écolo qui se trouve à son poste au marché en ce moment-là, lui indique qu’il s’agit du compostage. Que le fut renferme des déchets ménagers qui produiront plus tard du compost, un engrais naturel pour les plantes. Le monsieur ne semble pas conquis au bout du fil et demande de déplacer ce dispositif qu’il juge maintenant installé sur son terrain.

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Une “affaire urgente”

A Hortense de lui faire remarquer qu’il s’agit d’un espace dédié à la servitude. Plus tard, elle indiquera au Jour l’emplacement des différentes bornes. Le lendemain matin, la fille ainée de Hortense qui s’apprête à déverser d’autres déchets ménagers et un peu d’eau dans le fût pour compostage découvre qu’une grande quantité de sel y a été répandue.

Trois jours plus tard, dame Hortense reçoit des mains de sa fillette de 11 ans, une convocation à se présenter au commissariat du 16ème arrondissement le 27 mai pour « affaire urgente». Le nom sur le document ne coïncide pas avec celui de la commerçante. Appelé plusieurs fois au téléphone, le plaignant ne décrochera pas. Sur les conseils du voisinage, Hortense déplace le fût de compostage et le relocalise dans un coin de sa cour devant sa maison.

Elle attend en vain que son voisin vienne dans le même temps récupérer son matériel de chantier emmagasiné chez elle depuis des lustres. Elle n’honorera pas à cette convocation et sera cueillie deux semaines plus tard par les policiers, au petit matin. Dans sa lettre de désistement au commissariat, le plaignant ne donne pas les raisons de son revirement. Contacté, il dira ne pas être disponible pour échanger sur le sujet.

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Ambassadrice du bio

Blandine Olive Tchamou que nous avons jointe par téléphone confirme que le fût en question est un composteur. L’environnementaliste basée en France est la formatrice qui a animé à Douala en février, une session sur la valorisation des déchets ménagers en matière nourrissante et structurante pour le sol en vue d’encourager les cultures de proximité. Pour Blandine, Hortense qui met en pratique la transformation des déchets en engrais écologique doit plutôt être considérée comme une sorte d’ambassadrice du bio.  

Mathias Mouendé Ngamo

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