Des déchets nauséabonds jonchent les rues de la capitale économique depuis plusieurs semaines alors que les passages des camions de la société de ramassage des ordures se font rares.  

« C’est grave !  Il y a des ordures partout. Les déchets s’accumulent et barrent la route. Ça freine même la circulation. C’est sale et en plus ça sent mauvais ». Rames Dongmo a le visage plissé et la voix chargée de colère lorsqu’il s’exprime. Cet habitant de Mambanda, un quartier périphérique situé dans l’arrondissement de Douala 4ème au Cameroun, se demande si Hysacam, la société chargée de la collecte des ordures ménagères, a cessé de fonctionner. C’est que depuis près d’un mois, il n’est plus possible d’effectuer un pas sans apercevoir des montagnes d’ordures qui poussent près de la chaussée et obstruent peu à peu le passage. Les bacs à ordures, quand ils existent par endroits, débordent de déchets ménagers qui se déversent à même le sol. Des insectes y ont trouvé un milieu de vie favorable et bourdonnent à longueur de journée. Les odeurs qui s’y dégagent obligent les passants à se pincer les narines et à hâter le pas.

Joël Honoré Kouam, un habitant du quartier Bépanda-Tonnerre, dans l’arrondissement de Douala 5ème, est rouge de colère lorsqu’il raconte son calvaire.

« Depuis deux mois pratiquement, on suffoque dans ce quartier », lâche –t-il.

Il prend une petite respiration et poursuit. « Tout a commencé lorsqu’ils ont enlevé le grand bac à ordures du carrefour. Et puis, les habitants n’avaient plus où jeter les ordures. Du coup, on déverse devant la route, devant la station-service, bref partout. Ils (les camions d’Hysacam) passent quand ils veulent, comme ils veulent”.

Insalubrité à Douala

Mais la situation est devenue pire depuis un mois. Ils ne passent plus. Les ordures sont là sur place, entreposées. Ça dégage des odeurs nauséabondes. Les mouches et moustiques sont partout. On ne dort plus bien. J’en ai rencontré qui sont déjà malades à cause de cette situation, se plaint Joël Honoré. Soucieux de préserver l’environnement, le jeune camerounais effectue souvent près d’un kilomètre à la recherche d’un bacs à ordures. Mais lorsqu’il en trouve, le bac est déjà plein à craquer. « On est alors obligé de déverser les déchets par terre », se désole le jeune homme.

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Insalubrité à Douala. Des ordures gagnent peu à peu le passage au quartier Cité-Sic. Crédit Photo: Mathias Mouendé Ngamo

Les habitants de Douala sont ainsi contraints de vivre ce calvaire d’un autre genre, impuissants. La situation est la même à Yaoundé, la capitale politique, apprend-on. Ce décor peu reluisant qu’affichent les villes n’est pas seulement observable dans les quartiers périphériques, mais également dans le centre ville et dans les quartiers résidentiels comme Akwa, Bonamoussadi, Bonanjo… Tenez par exemple, au lieu-dit Ancien Dalip, en plein cœur du quartier Akwa, une montagne d’ordures a pris forme devant des commerçantes. Des conducteurs de taxi stationnent en ces lieux, à la recherche d’éventuels clients. Une boulangerie se trouve non loin du dépotoir au dessus duquel voltigent des moustiques.

Les espaces marchands aussi sont « pris d’assaut » par des tas d’ordures nauséabondes. C’est le cas devant le marché Sandaga, dans l’arrondissement de Douala 1er. Les riverains déplorent en outre la prolifération des moustiques et craignent le développement du paludisme et des maladies liées à l’insalubrité, si rien n’est fait pour juguler le problème à Douala.

Les factures impayées d’Hysacam

Hysacam (Hygiène et salubrité du Cameroun), la société de collecte d’ordures ménagères qui jusqu’ici n’avait donné aucune explication officielle sur cette crise, est sortie de son mutisme mercredi 07 septembre 2016. Pour les responsables de cette entreprise, cela est dû à un retard de paiement des factures de l’Etat.

« L’Etat traîne à payer ses factures. Lorsque le recouvrement est perturbé, il y a un impact sur l’activité toute entière. Total ne peut nous donner du carburant sans argent», a expliqué Garba Ahmadou, le chef de la cellule de communication.

Hysacam avance comme autre raison, la venue des pluies qui aurait causé la dégradation des voies au Centre de traitement de déchets (Ctd) (communément appelé décharge) situé au lieu-dit Génie Militaire au quartier Pk 10. « Les voies sont devenues impraticables. Les camions s’embourbent. Il arrive des fois que toute une file de camions soit bloquée. Sur 10 camions qui arrivent au Centre de traitement des déchets pour déverser les ordures, 6 en ressortent avec des pannes», a détaillé Cyrille Batomen, le responsable du Ctd.

« N’y a –t-il pas eu des adverses les années précédentes ? Pourquoi n’a –t-on pas alors connu pareille situation ? », s’interroge un habitant de Douala, un peu sceptique. De plus, ce site avait été octroyé à titre provisoire en 2003. L’acquisition d’un nouveau site a été annoncée depuis 2005. Il n’en est rien aujourd’hui, 11 ans plus tard.

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Douala. Des ordures en plein cœur du quartier Akwa, au lieu-dit Ancien Dalip. Crédit photo: Mathias Mouendé Ngamo

500 tonnes non collectées chaque jour

Yannick Bidima, le responsable en charge de la propreté urbaine d’Hysacam, fait savoir que des résultats d’une étude menée en 2001 indiquent que chaque habitant de la capitale économique produit 500 grammes de déchets par jour, soit une production journalière globale de 2000 tonnes. Ce responsable reconnait que le cahier de charge d’Hysacam recommande la collecte journalière de 1500 tonnes de déchets. 500 tonnes d’ordures restent ainsi abandonnées dans la nature chaque jour, lorsque la société ne connait aucune crise ou retard de paiement et que les camions sillonnent “normalement” les artères de la ville.

Et si l’insalubrité semble plus poussée dans les quartiers périphériques à Douala, c’est que, le cahier de charge fixé par la Communauté urbaine de Douala (Cud) recommande à l’entreprise créée en 1969, de collecter les ordures du centre-ville vers les périphéries. Bien loin de toutes les raisons avancées par Hysacam, les populations n’attendent qu’une chose, voir la ville débarrassée de toutes ces immondices, afin que “Douala poubelle” devienne “Douala la belle”, où il fait bon vivre. C’est le même souhait du côté de Yaoundé. Et dire que le pays abritera la Coupe d’Afrique des nations de Football (Can) féminine au mois de novembre 2016. Quel accueil pour les touristes!

Mathias Mouendé Ngamo

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