Ce site touristique du département de l’Océan accueille près de 800 touristes camerounais et étrangers chaque semaine.
Des mototaxis proposent leur service aux visiteurs qui débarquent à la gare routière de la ville de Kribi, chef-lieu du département de l’Océan, dans la région du Sud du Cameroun. «Vous allez aux chutes de la Lobé ? Je peux vous y conduire», lance un mototaximan qui vient de poser le pied sur la petite pédale de démarrage du véhicule à deux roues. Le touriste acquiesce de la tête. La négociation est vite faite et nous prenons la route à destination de Mbeka’a, ce petit village qui abrite une merveille de la nature. Au bout de dix minutes de circulation, nous y sommes. Une plaque portant l’inscription « Site touristique chutes de la Lobé » indique le chemin. On descend une petite colline. Il faut ensuite se déplacer sur un escalier aménagé. Cet escalier, nous apprend une enseigne, est un « don du Bir (Bataillon d’intervention rapide) aux populations de la Lobé, en mémoire de leur fils colonel Abraham Avi Sivan».
Le courant d’air devient plus intense. On aperçoit les chûtes au loin. Pour mieux les contempler, il faut s’y rendre de plus près. Des guides sur place, tous des fils du village, nous proposent une expédition en pirogue. Le prix de la course varie selon la tête du client. « Nous pouvons demander à certaines personnes de nous donner 1500 ou 2000 F. Cfa. Ça dépend. Mais il y a des messieurs qui viennent ici. Après la visite, ils nous donnent 10 000F. Cfa. Nous avons déjà reçu 200 000 F. Cfa d’un milliardaire après une expédition en pirogue », explique William, un des guides.
Le sourire au coin, le jeune homme indique que la barque peut accueillir jusqu’à huit personnes. Il se charge lui-même de les disposer à bord, afin que l’embarcation soit équilibrée. Seul hic, il n’y a pas de gilet de sauvetage. Mais la soif de la découverte est grande. C’est donc avec le cœur dans le ventre que nous prenons place dans la pirogue en bois.
Deux guides sont à bord. Un premier s’occupe de pagayer et d’orienter la barque, tandis que le second présente le site aux touristes et les aide en jouant le rôle de photographe le temps de la traversée. Le fleuve est un peu agité à certains endroits ce jeudi du mois de juin 2015. Mais nos guides se veulent rassurants. « Ne craignez rien. C’est la marrée basse. Rien ne peut vous arriver. En plus, il y a un maitre nageur avec vous », glissent-t-ils. Pas suffisant pour convaincre les plus septiques, mais ils devront faire avec.
La petite pirogue côtoie les bordures du fleuve Lobé, près d’une cascade de 800 mètres de hauteur. Première découverte, la chute d’eau femelle. Puis, derrière une petite mangrove, la chute d’eau mâle de la Lobé s’offre à nous. L’eau s’écoule à 7 mètres de hauteur. La profondeur du fleuve au dessous de la pirogue atteint les 28 mètres. Les appareils photos crépitent.
Le fleuve des crevettes
Derrière la cascade, se trouve la presqu’l’île sur laquelle Yannick Noah a tourné une partie de son clip « Simon papa tara », renseignent nos compagnons. Qui indiquent qu’il y a quatre campements derrière ces rochers, dont celui des pygmées qui attire de nombreux touristes nationaux et étrangers. La découverte ce sera pour une prochaine fois. La barque traverse maintenant près de la pêcherie des crevettes. Les femmes du village utilisent une technique de pêche bien particulière pour capturer les crustacés en ces lieux.
« Elles utilisent de la liane en rotin pour fabriquer des pièges. Elles y introduisent des noix de coco et de palmistes en guise d’appâts. Les crevettes s’y aventurent la nuit et se retrouvent coincées entre les lianes », détaille un fils du village. Les femmes récupèrent les crustacés le matin. Une partie de la provision est préparée et vendue sur place, sur les berges du fleuve. Le plat de crevettes coûte 5000 F. Cfa. Il est accompagné de frites de plantain et de pomme. Dans les restaurants construits sur les berges, le touriste peut également déguster du poisson à la braise et des mets traditionnels locaux.
« La Lobé, c’est le fleuve des crevettes. Ce sont les meilleures crevettes du Cameroun qui sont pêchées ici. Des responsables d’hôtels et de restaurants de différentes villes du Cameroun se ravitaillent ici »,
assure Léopold Mimpara. Il est le président du Gic des Promoteurs des activités touristiques, halieutiques et la protection de l’environnement des chutes de la Lobé. La petite organisation mise sur pied il y a plus de 30 ans regroupe en son sein 48 jeunes du village, tous des guides. L’association dispose de quatre pirogues à pagaies pour promener les touristes sur le fleuve Lobé, près des chûtes. Au rang des célébrités ayant déjà effectuées la visite à la Lobé, les guides citent les artistes Richard Bona, Lynnsha, Kiki Touré. Les footballeurs Samuel Eto’o Fils (et sa femme Georgette), Landry Nguemo et plusieurs autres Lions Indomptables.
Ça grouille le week-end aux chutes de la Lobé
La croisière entamée quinze minutes plus tôt se poursuit. Les touristes peuvent contempler maintenant le village des pêcheurs. La presqu’île dénombre environ 500 habitants qui vivent de la pêche et de la chasse, apprend-on. La médecine traditionnelle y est également beaucoup pratiquée. Le chef de ce village, l’artiste musicien camerounais de renom, Eko Roosevelt, n’est en place ce jeudi. Il s’est rendu à Douala pour prendre part à une conférence de presse organisée par les artistes musiciens. Nous le rencontrerons à une autre occasion. Regardons plutôt ce spectacle qui se joue au loin, sur le fleuve. Les visiteurs sont émerveillés. L’eau du fleuve Lobé qui rencontre l’eau de l’océan. Les deux cours d’eau cheminent côte à côte, sans se mélanger. Une ligne d’eau marque bien la limite entre le fleuve et l’océan. Un mystère de la nature. Les appareils photo crépitent une fois de plus.
Déjà 25 minutes passées sur la Lobé. L’embarcation regagne progressivement le rivage, où deux autres pirogues, avec des touristes à bord, s’apprêtent à rejoindre le fleuve pour effectuer la croisière.
«Il n’y a pas assez de touristes en début de semaine. Le week-end, ça grouille de monde ici. Il y a des touristes de différentes nationalités»,
fait savoir William. Le guide affirme que la plage, qui accueille environ 40 touristes les lundis, mardis, mercredis et jeudis, rassemble environ 200 personnes le vendredi, le samedi et le dimanche. Soit près de 800 touristes pendant les trois derniers jours de la semaine.
Ils se baignent, jouent sur les berges et contemplent les chutes de loin, ou font l’expédition en pirogue. Certains arrivent seuls. D’autres en couple ou en famille. On y distingue à majorité des Camerounais, des Chinois et des Espagnols. « Il y a aussi des Allemands, des Américains et des Français. Ils arrivent par période. Pour les Français, nous savons qu’ils n’aiment pas la pluie. Ils arrivent généralement en saison sèche », détaille un guide.
Noyades
Si Léopold Mimpara déplore le fait que l’écotourisme ne soit pas assez promu au Cameroun et que l’image du pays en prend un coup, il reconnait cependant que les nationaux commencent à s’intéresser de plus en plus au site touristique des chutes de la Lobé.
« Il y a plus de nationaux que de touristes étrangers à la Lobé. Les meilleures saisons où il y a plus de visiteurs se situent entre le mois de novembre et le mois de janvier»,
affirme le président du Gic des Promoteurs des activités touristiques, halieutiques et la protection de l’environnement des chutes de la Lobé. Qui fait savoir que la cote de Kribi a été menacée par l’érosion il y a deux ans. Le ministre de l’environnement, de la protection de la nature et du développement durable est descendu sur les lieux pour s’enquérir de la situation. Ce jeudi, des ouvriers sont à pied d’œuvre dans la construction d’une digue, entamée il y a neuf mois. Le site touristique a en outre connu un aménagement il y a trois mois, mais les populations attendent toujours les promesses de grands aménagements du site du ministère du Tourisme et des loisirs. Il y a en bonne place, le bitumage de la voie qui mène aux chutes.
Les guides affirment qu’ils ont reçu une formation avec un enseignant européen, un certain Santiago, commis par le ministère du Tourisme. « Il nous a appris les rudiments des langues et comment aborder un client, les formules de politesse », se rappelle un des guides. Mais ces jeunes guides auront besoin de renforcement en techniques de sauvetage et de sécurité, car des risques de noyade guettent en permanence les visiteurs du site touristique des chutes de la Lobé. Les riverains affirment qu’il y a quelques mois, un enfant de 17 ans qui traversait l’embouchure à la nage a été emporté par le courant d’eau. Il s’est noyé et en est mort. Plusieurs autres cas de noyade sont signalés. Mais les fils du village et les guides, doués à la nage, volent à chaque fois au secours des victimes avec grand succès. Ils en ont sauvé plusieurs, révèlent –t-ils, la mine fière.
« Il y a des enfants qui arrivent et se jettent à l’eau pour nager. Ils se rapprochent souvent des zones où la profondeur du fleuve est grande. Mais nous les rappelons à l’ordre. Mais il y a des clients qui sont entêtés. Certains refusent des guides et côtoient les bordures de la Lobé à pieds. Au niveau de la cascade, ils posent mal les pieds, glissent et se noient. La cascade est très glissante. Il faut faire attention. Il vaut mieux ne pas s’y aventurer sans un guide», conseil William. Ce jeune guide ne rêve pas de se trouver un autre métier. Il gagne sa vie aux chutes de la Lobé. Un site touristique présenté comme la mamelle nourricière des communautés Mabi, Batanga et pygmées.
Mathias Mouendé Ngamo, à Kribi