Dans le campement des pygmées Bagyeli situé en pleine forêt dans le village Namikumbi dans la région du Sud Cameroun, le quotidien de ce peuple de chasseurs suscite de la curiosité. Mais cet habitat naturel est détruit au quotidien et les populations qui y vivent déplorent la disparition de plusieurs essences de bois et espèces animales.

Village Lobé à Kribi, dans la région du Sud du Cameroun, nous y sommes. Il faut maintenant emprunter un véhicule, un 4X4 de préférence. La route n’est pas très praticable. Les passagers s’agrippent comme ils peuvent. Au bout de quinze minutes de voyage, nous rallions le village Ndoumale, dans l’arrondissement de Lokoundje. Ici, l’aide d’hommes en pays de connaissance s’avère nécessaire. Des fils du terroir, propriétaires de pirogues, serviront de guides pour la traversée du fleuve. Ils joueront aussi les interprètes pour nous. L’eau est bien silencieuse ce dimanche. Le ciel est dégagé et laisse refléter des rayons de soleil à la surface de la Lobé. De l’autre côté de la rive, une petite forêt accueille les visiteurs. Le climat est doux, le décor saisissant. Il faut zigzaguer sur une cinquantaine de mètres pour sortir des bois et découvrir, derrière ce beau feuillage, le campement des pygmées Bagyeli, dans le village Namikumbi.

Devant l’une des sept huttes construites en paille, une maman tient son bébé serré contre la poitrine. Les autres pygmées sont assis dans les cabanes. Ils sont vêtus pour la plupart d’une culotte et d’un t-shirt pour les hommes, robes et kaba (robe ample ; ndlr) pour les dames. Ils se montrent courtois avec les étrangers venus à leur rencontre. Les salutations sont chaleureuses. Nos guides, qui jouent les traducteurs, indiquent qu’il y a près de trente pygmées qui vivent dans cet habitat naturel. Ils appartiennent à une seule et même famille.

Mais ce dimanche, certains membres ne sont pas en poste. Ils sont allés à la chasse. Une des activités les plus pratiquées dans la communauté. Les techniques de chasse, on vous les apprend dès vos premiers pas et vous vous retrouvez à l’œuvre aux côtés de papa, très tôt. Regardez ce petit gamin d’à peine 6 ans qui tient un bout de bois entre les mains, dont il taille le bout pour le rendre pointu. Il l’utilisera ensuite comme une flèche et se servira d’une roue en mouvement, comme cible. Il s’entraîne.

Feux de brousse

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Les femmes tissent les nasses pour pêcher les crevettes. Crédit photo: Rita Diba

Une partie du fruit de la chasse chez les pygmées est utilisé pour le troc. « Ils apportent du gibier et on les donne du poisson», affirme Eko Roosevelt, le chef du village Lobé. Lui qui connait bien ce peuple de la forêt, fait savoir que les alliances se tissent à l’intérieur même de la communauté. Ainsi, les habitants de Namikumbi iront chercher épouse dans l’un des trois autres campements qui longent le cours d’eau.

« Les femmes sont très jalouses. Il n’y a pas un fort taux de prévalence au Vih/Sida », rassure Lucien, un des guides.

Et pour la dot, le rituel est le même pour tous les prétendants. Le futur époux pénètre dans la forêt et chasse pendant un mois. Toutes les provisions reviennent à la famille de la femme convoitée.

Mais faute d’électrification et de moyens de conservation durable des aliments, les gibiers doivent être vite consommés. A côté de cette difficulté, Samuel Makio, le chef du campement, déplore aussi la recrudescence des feux de brousse qui détruisent leur habitat naturel, la forêt. Il y a surtout la disparition de certaines essences de bois. Réputés grands soignants, les pygmées se servent d’écorces d’arbres, de plantes et autres artifices, dont ils connaissent les vertus thérapeutiques, pour venir à bout de plusieurs maladies. Il y a comme ce sérum réalisé à partir d’une tête de serpent. Lorsque vous le prenez, le reptile vous fuit.

La danse

La cohabitation avec les habitants des villages voisins lors des trocs a permis aux pygmées de se frotter à d’autres cultures. Aujourd’hui, ils comprennent le français et ils peuvent s’exprimer en langue avec les Batanga et les Mabi, deux grandes communautés du département de l’Océan. Mais nos amis les pygmées n’ont pas perdu leurs us et coutumes à eux. Au quotidien, ils préparent sur du feu de bois. Ils fabriquent des nasses pour la pêche aux crevettes. Ils pratiquent la chasse, la cueillette. Ils dorment sur des lits de bambou dressés sous les huttes coiffés de pailles. Ils décampent pendant la saison des pluies. Ils aiment danser. Ils dansent quand la chasse a été bonne. Ils dansent pour se divertir. Ils dansent pour accueillir des étrangers. Les musiciens munis de baguettes de bois frappent alors sur un long bambou de chine posé à même le sol. L’écho résonne dans la forêt. L’entendez-vous ?

Mathias Mouendé Ngamo, à Namikumbi

 

Bon à savoir

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Cameroun. Des pygmées Bagyeli s’apprêtent à danser. Crédit photo: Rita Diba

Bal des ministres

A la veille de remaniements ministériels, les pygmées disent recevoir la visite de hautes personnalités de l’Etat. Des membres du gouvernement garent de grosses cylindrées de l’autre côté du fleuve, traversent à la pirogue et faufilent dans la petite forêt pour venir chercher des « protections » qui les permettront d’être maintenus à leur poste.

Les stars aussi

Plusieurs stars de la chanson et du sport sont venus au chevet des pygmées Bagyeli pour leur apporter du soutien. On cite entre autres, Yannick Noah, West Madiko et Charlotte Dipanda qui y a d’ailleurs tourné une partie du clip de la chanson « Kene So » extraite de son dernier album baptisé « Massa».

Les touristes toujours

Ce peuple qui se bat pour conserver sa culture et son milieu de vie suscite beaucoup d’admiration de la part de touristes. Des centaines de visiteurs nationaux et étrangers y défilent. La fréquence est plus accentuée les week-ends. Les étrangers font des dons en espèces, mais aussi en nature : des vêtements, des matelas, des marmites…

Pratique

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Dans une cuisine des pygmées Bagyeli dans la région du Sud du Cameroun. Crédit Photo: Mathias Mouendé Ngamo

Aller à Kribi: Au départ de Douala : 2000 F. Cfa.

Au départ de Yaoundé : 3000 F. Cfa

Les agences : Transcam, la Kribienne

Prévoir : transport en moto de Gare routière de Kribi pour le village Ndoumale, situé à plusieurs kilomètres de Lobé. Prévoir aussi 1000 F. Cfa pour la traversée en pirogue.

Où dormir et manger : Au débarcadère et dans des hôtels à Kribi (il y en a une pléthore)

Autres lieux à visiter : Chutes de la Lobé, le débarcadère de Kribi, le chantier du Port en eaux profondes de Kribi (au loin).

Rassemblés par Mathias Mouendé Ngamo

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