Au Cameroun, de jeunes étudiants participent à la lutte contre le changement climatique et la déforestation en transformant des ordures en « charbon Bio».
A seulement 27 ans, Nandou Tenkeu Müller est déjà porteur d’un projet innovant. Le jeune camerounais est le promoteur de Kémit Ecology, une structure spécialisée dans la transformation des déchets ménagers en charbon écologique. Une première au Cameroun ! Avec sa petite équipe constituée uniquement d’étudiants, le jeune entrepreneur s’est établit près de la mangrove à Youpwé, un quartier périphérique de la ville de Douala, la capitale économique. Ici, pas de grands équipements pour matérialiser le laboratoire où s’opère la transformation. Juste un conteneur et une grande cour. Mais le processus, en amont, commence par la phase de la collecte.
Les jeunes écument au quotidien des dépotoirs d’ordures et des espaces marchands de la ville. Ils y amassent des tonnes d’épluchures de banane, de plantain, des épis de maïs, des résidus de canne à sucre, de rotin, des herbes, entre autres. De retour à Youpwé, les déchets sont déversés à même le sol ou sur des tôles, devant le conteneur. Le séchage dure environ quatre jours, jusqu’à ce que les détritus perdent 99% de leur eau, apprend-on. Il faut bien retourner de temps en temps. La phase suivante, c’est la carbonisation. Les déchets secs sont versés dans des fours de carbonisation. Il s’agit en fait de vieux fûts qui ont été recyclés et adaptés pour le processus.
« On obtient une poudre noire de charbon qui passe au conditionnement dans un compacteur », explique Müller.
Cet autre appareil de fortune donne forme aux morceaux de charbon qui sont exposés au soleil pour solidification. Le charbon écologique est prêt à l’usage.
Préserver la mangrove
D’après Nandou Tenkeu Müller, par ailleurs doctorant en Ecologie Biodiversité et Environnement à l’université de Douala, le charbon écologique ou charbon Bio ainsi obtenu est un produit biologique, écologique, non toxique, non Ogm.
« Il ne fume pas, n’est pas toxique. Il est issu des déchets ménagers organiques biodégradables, ne noircit pas la marmite, brûle bien, ne pollue pas l’environnement ».
Le promoteur du charbon écologique au Cameroun soutient qu’il s’agit là, d’une puissante alternative au bois de chauffage, au charbon naturel et au gaz domestique. Il fait aussi savoir que son initiative permet en outre de préserver la mangrove. En effet, l’emplacement de Kémit Ecology près de la mangrove n’est pas fortuit. « Nous nous sommes installés près de la mangrove parce que nos fumées qui sont issues de la carbonisation ou pyrolyse contiennent du Co2 qui est capté par les feuilles des arbres de la mangrove comme les rhizophora et les Avicennia pour effectuer la photosynthèse et nous redonner de l’oxygène. Notre projet permet aussi de protéger les bois de la mangrove contre l’exploitation au fin de charbon», explique Nandou Tenkeu Müller.
Selon les environnementalistes, la mangrove est en effet menacée de disparition au Cameroun. Le projet innovant qui participe de la préservation de cet écosystème est né en 2012 à l’université de Douala, où un groupe de jeunes étudiants développe le concept au sein du club Ecologie. Ils prennent part ensuite à plusieurs symposiums et salons. En 2014, ils reçoivent un appui technique et financier de la Fondation camerounaise de la terre vivante (Fctv). Ils portent ainsi leur production mensuelle à une tonne de charbon et vendent le kilogramme à 500 F. Cfa (environ 0,76 Euro) aux ménagères.
Charbon écologique sur le marché au Cameroun
Les fabricants du charbon écologique au Cameroun confient qu’ils font face à plusieurs difficultés. Il y a notamment l’absence d’un fonds de roulement et des problèmes d’appareillages. Mais l’avenir s’annonce plutôt radieux pour Nandou Tenkeu Müller et ses compagnons. L’équipe a été invitée à participer à la Cop 21 (Conference des parties sur les changements climatiques) à Paris en France, en novembre-décembre 2015. Le projet y a été présenté à des investisseurs. De nombreux contacts et partenariats avec des Camerounais de la diaspora et des entrepreneurs étrangers ont ainsi été décrochés. Après la réussite de la phase expérimentale du projet, une grande sortie du charbon écologique sur le marché au Cameroun et peut-être à l’international est déjà envisageable.
Mathias Mouendé Ngamo