Le jeune éco-artiste basé dans la capitale économique du Cameroun réalise des tableaux à base de fibres sèches de bananier et autres feuilles mortes récupérées dans la nature.
Pour réaliser ses toiles, Gérard Nyemb ne visite pas les grands magasins hors de prix pour se procurer la matière première, comme le font les autres artistes plasticiens. Cet amoureux de la nature se rend plutôt dans une petite broussaille à quelques mètres de sa maison au lieu-dit Pk8, un quartier périphérique de la ville de Douala au Cameroun. Là, il recueille des fibres de bananier, quelques feuilles mortes d’avocatier et des rafles de maïs. Il taille chacune des fibres récoltées avec le plus grand soin et les ajuste avant de retourner dans son atelier.
« Je n’utilise pas les fibres fraiches parce que la colle ne va pas adhérer », explique –t-il.
Comme accessoires, il lui faudra juste un cadre en bois, des ciseaux, une lame, des pinceaux, un crayon et de la colle forte. Le travail peut enfin commencer.
Gérard Nyemb pose sur la table du papier carton sur lequel il a réalisé un dessin. Il procède à la découpe de l’esquisse. Derrière chaque « patron», il y colle des découpes de fibres de bananiers taillées selon la forme des patrons en papier carton. L’œuvre se dévoile progressivement. Les feuilles mortes d’avocatier sont utilisées pour ressortir le teint du visage et des membres des personnages à représenter. Les rafles de maïs servent pour le fond des yeux.
L’artiste qui valorise la matière première africaine et réduit à son échelle le taux de déchets dans l’environnement (et donc contribue à la lutte contre le changement climatique), représente sur ses toiles, des animaux, la nature, des scènes de vie qui reflètent les traditions du continent noir. L’œuvre peut prendre plusieurs heures. Alors, le jeune éco-artiste s’est attaché les services d’assistants. Mais c’est lui qui pense la toile, la dessine et la façonne. Une activité à laquelle il s’est livré depuis 1993.
La passion, le déclic…
Le jeune éco-artiste découvre sa passion pour le dessin à l’école primaire.
« Les gens se moquaient de moi et me disaient que le dessin est un métier de pauvres », se souvient Gérard Nyemb.
Mais il ne cède pas et poursuit son rêve. Et déjà, il est sollicité pour la confection des cahiers de morceaux choisis de l’école publique de Ngambé, (dans la Sanaga maritime) où il est élève à l’époque. Il gagne 200 F. Cfa (environ 0,38 euro) par cahier décoré. De quoi se faire un peu d’argent de poche. Puis, il rencontre un monsieur qui l’épaule. Celui-ci se sert des dessins du jeune écolier et réalise des tableaux à base de fibres de bananier.
Les œuvres rapportent gros. Mais Gérard Nyemb qui apprend ce nouvel art en même temps qu’il apporte sa contribution, ne bénéficie pas réellement des retombées des œuvres.
« Un jour, nous avons réalisé une œuvre. C’était le portrait du président gabonais Omar Bongo. La Cameroon Radio And Television (CRTV) a acheté ce tableau à 3 millions F. Cfa (environ 4580 Euros). Mais le monsieur m’a juste remis 3 000 F. Cfa (4,5 euros). J’ai été frustré. Je me suis senti abusé», raconte ému, l’artiste.
C’est le déclic. Gérard Nyemb décide donc de se mettre à son propre compte. Il se rapproche des artistes sérigraphes et des plasticiens à Douala. Il acquiert d’autres notions.
Benoit XVI, Frank Biya
Ses premiers tableaux, Gérard Nyemb les brade à 1000 ou 2000 F (entre 1,52 et 3 euros). Cfa, parfois 300 F. Cfa, juste pour avoir de quoi manger. Lorsqu’il fait la rencontre d’un responsable du Hilton Hôtel (un hôtel 5 étoiles basé dans la capitale politique, Yaoundé) qui lui achète une œuvre à 60 000 F. Cfa (près de 92 euros), Gérard Nyemb est aux anges. Il prend conscience de son doigté et s’engage véritablement. Il confie qu’un de ses tableaux exposés dans une galerie à Yaoundé a été acheté par Frank Biya, le fils de l’actuel président de la République du Cameroun, Paul Biya.
Aussi, lors de la visite du pape Benoit XVI au Cameroun, c’est une œuvre de Gérard Nyemb qui lui avait été remis comme cadeau. Même si le jeune artiste confie qu’il n’a reçu aucun franc des retombées de ce grand portrait du pape fait à base de fibres de bananiers.
« Les tableaux que je vends aujourd’hui à 400 000 F. Cfa (610 Euros), à l’époque je les bradais à 200 F. Cfa (0,3 euro)», glisse néanmoins l’éco-artiste, avec un brin de sourire aux lèvres.
Militaire de formation, Gérard Nyemb est âgé de 43 ans. Il est aussi passionné de chimie, de musiques religieuses et des Arts martiaux. Un autre Camerounais, Jean-Jacques Ebolo, toujours basé à Douala au Cameroun, se construit sa petite réputation en réalisant des œuvres à base des fibres de bananier.
Mathias Mouendé Ngamo