La pollution du fleuve Wouri qui a pris de l’ampleur ces cinq dernières années entraine la rareté et la cherté des ressources aquatiques dans ce site considéré à l’époque comme un marché de référence du poisson à Douala.

Une pirogue vient d’accoster au débarcadère de Bonassama à Bonabéri, dans l’arrondissement de Douala 4ème. Une revendeuse de poissons se hâte de se rapprocher du pêcheur avec une grosse bassine. Le jeune homme y range le produit de sa pêche. A peine quelques douze gros poissons. Le visage serré et la posture de la revendeuse en disent long sur sa déception. Les traits de son visage se plissent encore plus lorsqu’il faut aborder le prix de la marchandise. Le pêcheur avance le chiffre de 70 000 F. Cfa. La revendeuse, sur ses gardes, ne compte pas débourser plus de 40 000 F. Cfa.

Le piroguier soutient son prix en s’appuyant sur la rareté du poisson. La revendeuse, elle, ne s’imagine pas de voir son client débourser un centime de plus que d’habitude pour son poisson à la braise. L’accord se fera sur ces berges du Wouri au bout de quelques minutes, au terme d’une longue discussion. Pareils scénarios se répètent ainsi depuis bientôt cinq ans, mettant les pêcheurs, les revendeuses de poissons et les ménagères de Douala dans l’embarras.

Avec la pollution, le poisson se fait rare

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A l’origine de cette rareté et hausse des prix du poisson, la pollution du fleuve Wouri est pointée du doigt.

« Tous les drains de la ville de Douala se déversent dans le Wouri avec un excès de plastiques. On ne parvient plus à pêcher. Lorsqu’on met un appât sur l’hameçon, le plastique le recouvre et la pêche n’est pas fructueuse»,

déplore Oscar Dibongo Mpome, pêcheur depuis 50 ans sur les rives du Wouri à Bonassama. Il se pince les lèvres lorsqu’il repense à la belle époque, quand le poisson lui permettait de payer ses études et de se faire régulièrement de l’argent de poche. Bonassama, où accostaient pêcheurs camerounais et nigérians était alors une référence en matière de vente de poissons frais et fumés. Aujourd’hui, ce n’est plus qu’un rêve. Les choses ont bien changé.

L’impact de la mauvaise moisson actuelle des pêcheurs se répercute directement sur les revendeuses. Quelques «Bayam-Sellam » rencontrées à Bonabéri font savoir que l’activité tourne depuis lors au ralenti du fait de la pollution des eaux. « Quand les pêcheurs partent à l’eau, ils n’arrivent plus à pêcher. Ils ramènent très peu de poissons qu’ils revendent cher. Certains rapportent des poissons pourris. Ça nous met mal à l’aise », se désole Olga Alice Songa Penda. Elle est revendeuse de poissons depuis 26 ans. La Bayam-Sellam explique que les clients qui réclament du poisson à coût abordable ne comprennent pas la situation et se plaignent de la flambée des prix.

Déversement des déchets toxiques des sociétés

Pour sauver les activités de pêche et vente de poissons qui nourrissent de nombreuses familles à Douala 4ème et au-delà, un Gic s’est récemment mis en place. Le Gic Quai de Bonassama entend  lutter contre la destruction du fleuve Wouri, le déversement des produits toxiques dans l’eau et la préservation de la mangrove.

« Les poissons se reproduisent dans ces mangroves. Si on les détruit, on aura toujours un manque de poissons. Le problème de pollution du Wouri résulte aussi du fait que les sociétés déversent leurs déchets toxiques dans le fleuve. Le poissons devient rare et cher. Nous voulons attirer l’attention du gouvernement de nous venir en aide pour la préservation du fleuve »,

indique Bruno Ekepa Solle, le président du Gic Quai de Bonassama. Une action qui rejoint des cibles de l’ODD14.

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“Pour un Wouri sain, un poisson sain”

Pour sensibiliser les populations riveraines sur cette situation alarmante, le Gic Quai de Bonassama a couché sur des pancartes, quelques messages qui appellent à l’éveil des consciences. Les populations de Bonassama, en particulier celles qui résident près du débarcadère ont pu y lire: «Pour un Wouri sain, un poisson sain », «Non à la pollution du fleuve Wouri », «Non à l’utilisation des produits toxiques », « Oui, protégeons la mangrove ». Une véritable invite à l’écocitoyenneté.

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ODD14: Vie Aquatique

14.1  : D’ici à 2025, prévenir et réduire nettement la pollution marine de tous types, en particulier celle résultant des activités terrestres, y compris les déchets en mer et la pollution par les nutriments

14.b:   Garantir aux petits pêcheurs l’accès aux ressources marines et aux marchés

Mathias Mouendé Ngamo

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