Si rien n’est fait pour la conservation, les pertes en espèces végétales, sauvages, florales et écosystèmes de mangroves vont atteindre des proportions inquiétantes d’ici à 2050.

En matière de diversité biologique, le Cameroun peut se targuer d’en avoir une bien riche, logée au sein de plusieurs écosystèmes et représentatifs de ceux d’Afrique. D’après les statistiques du ministère de l’Environnement de la protection de la nature et du développement durable (Minepded), il existe au pays 7850 espèces vasculaires, dont 514 sont endémiques (retrouvées uniquement au Cameroun). On dénombre également près 303 espèces de mammifères, 285 espèces de reptiles, 199 espèces amphibiens, 613 espèces de poissons d’eau douce, dont 146 endémiques. 968 oiseaux ont en outre été flashés au Cameroun jusqu’en 2013. Mais comme à l’échelle mondiale, le Cameroun enregistre une tendance régressive de sa biodiversité.

L’ampleur du phénomène est tel qu’environ 10% des espèces végétales et 815 espèces sauvages sont menacées d’extinction. 50% d’espèces végétales dans les points chauds sélectionnés des écosystèmes montagneux et forestiers sont en voie de disparition. 30% de perte de la richesse florale de certains hauts plateaux et 30% de pertes des mangroves dans les zones côtières et maritimes sont aussi enregistrés. Pour Dr. Aurélie Dingom qui relève ces statistiques, la situation est alarmante.

«Si aucun effort n’est fait par notre pays et par le monde entier, d’ici 2050 nous assisteront à la 6ème extinction de certaines espèces. Il est dit qu’environ mille fois cette perte sera enregistré par rapport au rythme naturel de perte de la biodiversité »,

prévient l’inspecteur n°2 du Minepded et point focal APA de la Convention sur la diversité biologique (Cdb).

Menaces sur la biodiversité

Dr. Aurélie Dingom relève cependant que le pays possède le deuxième plus grand massif forestier du bassin du Congo avec des forêts couvrant environ 45% du territoire national, dont 22% est classé en aires protégées. Ces aires protégées abritent 90% des espèces animales du pays. Par ailleurs, les aires protégées marines représentent 20,43% de la superficie marine nationale. Cependant, cette surface forestière est sujette à l’action de l’homme. Et les répercutions sont considérables. Au constat des statistiques, il a été remarqué une perte drastique ces deux cents dernières années. Au rang des animaux en voie de disparition au Cameroun, Tantoh Bazil Tune, le coordonnateurs des projets à Aboyerd (Agriculture and Bio-conservation Organization For Youth Empowerment and Rural Development) cite entre autres, les gorilles de plaine, les léopards, les éléphants, les pangolins géants, les mandrills et les buffles.   

Les écosystèmes de mangrove qui fournissent des services écosystémiques vitaux comme la stabilisation de la zone côtière, la séquestration du carbone; l’amélioration du micro et macroclimat sont également menacés de disparition au Cameroun. 75 % de la mangrove camerounaise se retrouve en danger à cause de l’exploitation non accompagnée de reboisement.

Les spécialistes de la question de la conservation évoquent parmi les grandes menaces qui pèsent sur cette biodiversité vitale, la surexploitation des ressources et l’agriculture, l’utilisation non durable des terres, les changements climatiques, la croissance démographique, entre autres. Il en est ainsi par exemple de ces techniques agricoles non durables pratiquées autour des aires protégées qui concourent à l’érosion de la biodiversité.

Il est en outre déploré un niveau d’information et de connaissance très faible sur la biodiversité et sa valeur pour le bien être humain. «L’air que nous respirons actuellement, il est pur parce que nous avons une biodiversité qui est riche. L’eau que les gens boivent en zone rurale, elle est pure parce qu’on a la biodiversité. La nourriture, la pharmacopée, les soins de santé. Tout ça ce sont des choses qui proviennent de la diversité biologique à savoir les espèces, les gênes et les écosystèmes », explique Gilles Etoga, le directeur de la conservation de WWF Cameroun.

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Pas de biodiversité, pas de tradition

Le directeur soutient que la biodiversité est fondamentale pour les Camerounais. Dans le détail, il fait savoir qu’il y a encore 60 à 70% d’habitants qui vivent en zones rurales et dépendent de la nature.

«S’ils perdent cette biodiversité, ça veut dire que même leur existence est remise en cause »,

argue -t-il.

Sa Majesté Bruno Mvondo est de cet avis. Le président du Réseau des chefs traditionnels d’Afrique pour la gestion durable de la biodiversité et des écosystèmes des forêts (Rectrad) indique que tous les us et coutumes sont basés sur l’exploitation de la biodiversité. Elle est essentielle dans le transfert de la culture, du savoir traditionnel d’une génération à l’autre.

« Nous utilisons les racines, les écorces, les feuilles, tout ce que nous avons autour de nous pour nos rites. Si nous perdons la biodiversité, nos us et coutumes eux-mêmes seront perdus au moins à 99%. En tant que gardiens de la tradition, nous sommes les premiers à lutter pour la préservation de cette biodiversité et à voir comment la redonner de la richesse », assure le chef traditionnel. A côté des chefs traditionnels, plusieurs autres efforts sont conjugués au quotidien pour limiter l’érosion de la biodiversité au Cameroun.

Au ministère de l’environnement, on fait savoir qu’au cours des dernières décennies, le Cameroun a consacré d’importants efforts à la préservation de sa biodiversité. Ainsi, entre 2006 et 2020, la superficie des aires protégées a augmenté de 8% grâce à la création de onze nouveaux parcs nationaux. Mais ici encore, il faut penser à atténuer la chasse illégale à la viande de brousse et les conflits homme-faune (CHF) dans et autour du parc. Pour le cas du parc national le parc national de Campo Ma’an, Aboyerd y intervient à travers le Programme de protection des grands singes et des éléphants de Campo Ma’an (CAMGAEPP).

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New Deal For Nature and People

Malgré ces efforts de conservation, le comportement d’un large éventail d’acteurs n’est pas encore jugé favorable à contribuer à la protection de la biodiversité. A WWF Cameroun, plusieurs dynamiques sont également mis en branle pour sauver la nature. Il en est ainsi de l’initiative des champions avec des artistes locaux de renom tels Mister Léo ou Salatiel, pour inciter les uns et les autres à adhérer au New Deal for Nature and People. WWF a aussi pensé à impliquer les acteurs de la société civile dans cette lutte. L’institution a à cet effet organisé à Mbankomo les 22 et 23 juin 2021, un atelier de formation des formateurs sur les valeurs de la biodiversité et les techniques de plaidoyer en vue de sa conservation.

Mathias Mouendé Ngamo

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